▸ Alice MEHEUT, vous êtes directrice associée d’Aeris Partners, que vous avez fondé et spécialiste des questions relatives à la qualité de l’air dans les bâtiments neuf et rénovés. La qualité de l’air intérieur devient un enjeu de santé publique et les chiffres des allergies et pathologies respiratoires sont de plus en plus inquiétant. Pouvez-vous nous faire un point sur la situation aujourd’hui ?
La pollution de l’air a un coût social élevé. Dans sa dernière étude1 du 29 Janvier 2025, Santé Publique France estime que les 2 polluants « stars » de notre air ambiant – le Dioxyde d’Azote et les particules fines – engendrent chaque année un coût de plus de 16 Milliards d’euros. Ce coût est lié aux huit maladies chroniques ayant un lien scientifiquement démontré avec ces deux polluants de l’air : cancer du poumon, bronchopneumopathie chronique obstructive, asthme de l’enfant et de l’adulte, pneumopathie, infections aiguës des voies respiratoires, AVC, infarctus et diabète de type 2.
▸ Pourtant, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !
Le nombre de personnes touchées par les allergies en France ne cesse de croître. Il est estimé à 30% en 2010 alors qu’il n’était que de 2 à 3 % en 1970, et surtout il est annoncé par l’OMS à 50% en 20502. Selon l’OMS, une personne sur trois née après 1980 est allergique et 80% des asthmes sont d’origine allergique chez l’enfant.
▸ Alors pourquoi sommes-nous impuissants face à cette menace ?
Tout d’abord, il faut changer la perception sur les allergies. Curieusement, pour près d’un Français sur deux, l’allergie n’est pas considérée comme une vraie maladie et elle a souvent été considérée comme une maladie infantile alors que l’on sait maintenant qu’elle peut survenir à n’importe quel âge. Les données scientifiques viennent bousculer ces évidences. Notre exposition à long terme à la pollution de l’air ambiant a un « impact conséquent » sur l’apparition de nouveaux cas de maladies respiratoires : près de 40 000 nouveaux cas par an chez les enfants, selon la maladie et le polluant étudié3. De plus, la somme de nos expositions tout au long de notre vie est prépondérante, comme l’a explicité Robert Barouki en développant la notion d’Exposome4.
Ensuite, il faut poursuivre nos efforts de réduction des émissions de Dioxyde d’Azote et de particules fines. Les concentrations de dioxyde d’azote ont baissé en moyenne de 40 % entre 2013 et 2023 en Île-de-France et les concentrations de particules fines (PM2,5) ont baissé en moyenne de 40 % entre 2013 et 2023 en Île-de-France5.
▸ Il faut se réjouir de ces progrès significatifs mais alors pourquoi sommes-nous toujours plus nombreux à être concernés par des rhinites allergiques et par l’asthme ?
Nos valeurs limites d’expositions réglementaires actuelles (seuils à ne pas dépasser), que ce soit pour le Dioxyde d’azote ou les particules fines, sont obsolètes. Si nous avions pris comme référence les valeurs OMS, alors 100% des franciliens auraient dépassés les valeurs recommandées pour les particules fines PM 2,5. La question est donc de revoir nos références et de poursuivre nos efforts pour en mesurer le bénéfice santé. En ce sens, la nouvelle directive européenne sur l’air ambiant nous demande de diviser par 2 nos valeurs limites d’ici 2030 pour se rapprocher des recommandations de l’OMS. Pour les particules fines, les études sanitaires indiquent clairement qu’il n’y a pas de seuil en dessous duquel les particules ne sont pas nocives. Toute baisse de concentration représente donc un enjeu important en termes de santé publique.
▸ Pourquoi ne pas être plus audacieux dans nos crèches et nos écoles ?
L’obligation de surveillance de la qualité de l’air intérieur6 conduisent les établissements accueillant des enfants à contrôler les systèmes de ventilation des bâtiments et à mesurer l’exposition des plus jeunes aux polluants mais cette dynamique positive est encore limitée à une liste de polluants réglementés (formaldéhyde, benzène et dioxyde de carbone). Il est urgent d’intégrer aux projets de construction et de rénovation des écoles et des crèches l’impact santé des polluants atmosphériques que sont le dioxyde d’azote et les particules fines. Pas seulement pour anticiper l’évolution des normes européennes mais surtout pour faire mentir les prévisions de l’OMS sur le nombre d’asthmatiques et d’allergiques en 2050 !
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Alice MEHEUT est spécialiste des questions relatives à l’air dans les bâtiments neufs et rénovés. Depuis plus de 15 ans, elle intervient dans les domaines de l’étanchéité à l’air, la ventilation et la qualité de l’air.
En tant qu’Associée de la société UBAT Contrôle, elle développe les mesures et vérifications de la performance des bâtiments. Elle est membre des commissions QUALIBAT (étanchéité à l’air ventilation) et contribue, avec le CEREMA, aux commissions formation ventilation. En tant que « Air Manager », elle conseille et forme les professionnels de la filière du bâtiment au sein de la société AERIS PARTNERS qu’elle a fondée.
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[1] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/enquetes-etudes/estimation-de-la-morbidite-attribuable-a-l-exposition-a-long-terme-a-la-pollution-de-l-air-ambiant-et-de-ses-impacts-economiques-en-france-hexagona2
[2] https://asthme-allergies.org/faits-chiffres-comprendre-lallergie/
[3] https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2025/asthme-accident-vasculaire-cerebral-diabete-quels-impacts-de-la-pollution-de-l-air-ambiant-sur-la-sante-et-quel-impact-economique
[4] Robert BAROUKI – INSERM - Rapport 24-02. L’exposome, une contribution majeure pour la prévention
[5] AIRPARIF : bilan de la qualité de l’air en IDF 2023
[6] Décret n° 2022-1690 du 27 décembre 2022 modifiant le décret n° 2012-14 du 5 janvier 2012 relatif à l'évaluation des moyens d'aération et à la mesure des polluants effectuées au titre de la surveillance de la qualité de l'air intérieur de certains établissements recevant du public